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Mivatoufè
Mivatoufè a grandi au milieu des femmes, dans un pays où tout ce qui avait été entrepris restait en chantier. Maison en chantier, immeuble en chantier, route en chantier, jardin d’enfant en chantier, aéroport en chantier, hôpital en chantier, école en chantier… Au milieu des femmes, il faut le dire, il se la coulait douce : elles faisaient tout ! Il n’y avait pas, dans l’alentour, d’homme bourru, pansu, pour leur donner des ordres et servir accessoirement de modèle à Mivatoufè. Cela explique sa grande sensibilité aux paroles... et aux rêves des femmes. Dans ses siestes démesurées, certes il entendait des bruits de cuisine, des chahuts de basse-cour, des ahanements de champ à cultiver, mais il entendait aussi les chants, les échanges, les petites phrases qui en disent long. Et parmi toutes ces phrases il retenait surtout celles qui commençaient par « j’aimerais bien…. ». Et voilà comment il fut conditionné par ce conditionnel.
Sortant précocement de l’adolescence il entreprit de vastes travaux. « J’aimerais bien que mes enfants puissent aller à l’école ! » et aussitôt il attrapait pelles, truelles, et construisait une très belle école. « j’aimerais bien pouvoir me rendre au marché par une route sans crevasses ! » et aussitôt il attelait sa mule, allait chercher du remblai, et passant trois jours et trois nuits il comblait toutes les crevasses jusqu’au marché.
Mivatoufè devint une sorte de prince en ce royaume de femmes qui faisaient tout. Je pourrais bien sûr vous raconter la suite, la suite tragique de cette histoire, mais je ne le ferais pas, c’est trop triste. Je vous dirai simplement que cet homme tout petit, tout resserré autour de sa bougie, tout effrayé de bouger ne serait-ce qu’une main, un pied, rappelant ses rêves et ses voix aussitôt qu’ils émergent, n’est autre que Mivatoufé sur ses vieux jours.
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